Hé, j’ai une bonne idée ! Et si tu appelais Elise Lucet et lui disais, écoute Eliiiise, j’ai besoin d’une heure de ton temps, ma chérie ; j’ai vraiment besoin d’en savoir plus sur le journalisme, et j’ai pensé que je pourrais profiter de ton cerveau pour un p’tit moment ; tu sais, gratuitement ; et décider ensuite si c’est une bonne idée. Si c’est le cas, je pourrais te payer pour me coacher plus tard ; de l’argent que j’hésiterai sûrement à te donner avant de négocier une offre à prix réduit que je pense être plus appropriée en échange de ton temps. Mais pour l’instant, que dirais-tu d’offrir ton temps gratuitement ? Ça te va, Elisette ? TRÈS BIEN, MERCI.

D’accord, je ne sais pas comment Elise Lucet s’est retrouvée impliquée là-dedans. Mais c’est quelqu’un de sérieux et douée d’une certaine classe, et le fait que tu viennes la voir en pensant que tu pourras « échanger gratuitement » avec elle est aussi ridicule que de se dire que n’importe qui va d’abord échanger gratuitement avec n’importe qui d’autre.

POURQUOI CETTE PRATIQUE EST-ELLE DEVENUE COURANTE ? QUI L’A POPULARISÉE ? QUI QUE CE SOIT, ILS/ELLES N’ÉTAIENT PAS DOUÉ·ES POUR LES AFFAIRES.

Pire encore, ils/elles ont perpétué une pratique commerciale problématique pour les personnes anxieuses et nerveuses, du monde entier, qui souffrent du syndrome d’imposture et qui pensent que c’est ce qu’elles doivent faire pour obtenir des clients.

VOYONS LES CHOSES EN FACE : LES BONS CLIENTS PAIENT POUR LE TEMPS QUI LEUR EST CONSACRÉ

C’est un fait.
Immuable.
Désormais connue sous le nom de « Loi Boots & Cats n°462 ».

Les bons clients paient pour le temps des autres parce que les bons clients valorisent leur propre temps. Laissons cette phrase s’imprégner dans nos têtes pendant une seconde. Si quelqu’un t’approche en espérant piocher tes idées gratuitement, ce n’est pas parce que ton temps n’en vaut pas la peine.

C’est parce que son temps n’en vaut pas la peine.

Pas à ses yeux, en tout cas.

Et les personnes qui n’ont pas une grande estime d’elles-mêmes le projetteront toujours sur toi. Elles deviendront les râleuses persistantes, les vampires du temps, les pleureuses de la fin du mois. Ce sont elles qui te culpabiliseront pour obtenir une réduction. Ce sont elles qui te prendront le plus de temps, tout en payant le moins possible.

Et ce sont les client·es que tu redoutes.

Voilà donc une bonne grosse raison pour laquelle mieux vaut éviter d’offrir des appels gratuits en règle générale : ils attirent le type de personnes qui aiment les appels gratuits. Et oui, il s’agit bien d’un type de personnes.

LA SECONDE RAISON, CEPENDANT, A TOUT À VOIR AVEC LA VALEUR QUE TU ACCORDES À TON PROPRE TEMPS.

Je sais que tu espéres qu’en leur proposant un appel gratuit maintenant, tu obtiendras un contrat plus tard (et donc que le coût sera récupéré), mais c’est seulement parce que tu n’as pas vu combien d’appels gratuits deviennent juste ça : des appels gratuits. Car tu sais ce qui se passe (souvent) ensuite ?

………………………..

C’est ma petite illustration artistique du silence-radio. L’appel gratuit se termine, tu dis quelque chose de (adorablement) maladroit comme « super, faites-moi savoir si vous voulez aller plus loin. Vous savez où me trouver ! » et ils/elles disent « bien sûr, laissez-moi y réfléchir et je vous rappellerai ! ». Et tu sais ce qui se passe ? RIEN. Nada. Zip ! Bye bye ! Des fantômes dont on n’entend plus jamais parler. Lève la main si ça t’est arrivé 800 fois.

CE N’EST PAS DE TA FAUTE.

JE LE RÉPÈTE, CE N’EST PAS DE TA FAUTE.

Il s’agit simplement d’un système mal conçu, commercialisé comme un système intelligent. Parce qu’on sait ce que disent les personnes qui donnent ces conseils dépassés, n’est-ce pas ?

LE TÉLÉPHONE, CLAIRE ! C’EST CE QUE TU DOIS FAIRE ! LES AVOIR AU TÉLÉPHONE ! Une fois que tu les as au téléphone, tu peux leur vendre, Claire ! Surmonte leurs objections ! Fais-les s’engager ! Maintenant ! Fais-leur dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas ! Maintenant ! Qu’importe s’ils hésitent ? AU BOULOT ! Obtiens la vente ! Fais ce que tu dois faire ! Conclue l’affaire !

Mon Dieu, pardonne ma vulgarité mais vraiment… quelle connerie.

Quelle. Connerie.

C’est ce que j’ai appris à faire au début des années 2000, dans un environnement de vente à l’ancienne qui a précédé le marketing en ligne, et c’est tout simplement répréhensible et dépassé à bien des égards ; non pas parce que la vente c’est maaaallll (J’AIME BIEN VENDRE), mais parce que quand tu fais ça bien…

Ton client t’appellera, te suppliera de lui prendre de l’argent ; et il sera ravi de te le donner.

C’est la différence entre une stratégie commerciale bâclée et une stratégie commerciale magnifique. La vente peut être belle, tu le sais, mais cette beauté ne se produit pas au cours d’un appel gratuit à la con conçu pour être un moyen de pression déguisé.

  • La vente est belle lorsqu’elle est le sous-produit du changement que tu apportes par ton travail.
  • La vente est belle lorsqu’elle se produit parce que les conversations que tu as en ligne (ou ailleurs) sont importantes.
  • La vente est belle lorsqu’elle se produit parce que d’autres personnes t’admirent, toi et tes idées.
  • La vente est belle quand elle se produit parce que tu t’es présenté·e et que tu as continué être présent·e, chaque jour.
  • La vente est belle quand elle se produit parce que tu as levé la main quand il s’est agit de diriger et de contribuer.
  • La vente est belle quand elle se produit parce que tu es passionné·e et convaincu·e, et que les gens l’ont vu.

LA PLUS BELLE VENTE NE RESSEMBLE JAMAIS À UNE VENTE. LA PLUS BELLE VENTE RESSEMBLE À DE L’AIDE.

Et c’est ce que j’aimerais te dire aujourd’hui : si tu t’inquiétes d’avoir des clients, je veux que tu prennes cette satanée heure gratuite que tu aurais donnée à un·e inconnu·e sur Internet qui n’allait pas être un·e bon·ne client·e  de toute façon…

… et je veux que tu l’utilise pour créer.

Prend cette stupide heure de libre (au moins une par jour, puisque tu l’aurais de toute façon donnée) et crée quelque chose de si généreusement utile que tes client·es te supplieront de l’avoir.

Prend cette heure libre et crée, crée, crée.

Rédige un guide gratuit. Lance un podcast. Crée un atelier. Crée un outil de calcul. Fais quelque chose, n’importe quoi, pour être utile au monde grâce à ton métier. C’est une bien meilleure utilisation de ton temps, non seulement parce que la création est une forme de leadership moderne (et le leadership moderne est ce dont tu as besoin pour te faire remarquer), mais aussi parce que lorsque tu crées, tu augmentes la portée de ton travail. Auparavant, tu devais faire un appel gratuit avec quelqu’un pour qu’il puisse « te tester » et « voir si cela lui convient », mais lorsque tu prends ta voix et que tu la mets sur papier, dans un podcast, dans un contenant qui vit et respire indépendamment de toi… ces clients peuvent t’entendre, te lire, te comprendre et prendre ces décisions bien avant qu’ils ne te fassent perdre ton temps lors d’un appel.

Tu n’as pas besoin d’un appel gratuit pour obtenir des clients (ils sont obsolètes).

Mais tu dois te présenter à tes clients (d’une manière nouvelle et moderne).

D’une manière plus créative. D’une façon plus utile. D’une façon plus expansive.

Parce que, mauvaises pratiques commerciales mises à part, si Elise Lucet donnait de son temps gratuitement, soyons honnêtes : tu penserais également que quelque chose ne va pas chez elle. Tu penserais qu’elle est désespérée. Tu penserais qu’elle a besoin d’offrir des appels gratuits. Et, ce n’est un bon look pour personne.

Il s’avère que tu n’as pas besoin d’être une célébrité pour que les gens respectent ton temps.

Il suffit de le respecter soi-même et de laisser le reste du monde suivre.

Crédit photo : Brooke Cagle