La première fois que j’ai envisagé de me mettre à mon compte en tant que chargée de communication indépendante, tu sais ce qui m’a retenue ?

Pas la « peur ».
Pas un manque de conviction en mes capacités.
Pas le syndrome d’imposture.
Pas le fait que je n’avais aucune p***n d’idée de ce qu’était le référencement naturel, ou de comment en faire.

Tu sais ce que c’était ?

Tir na nÓg Irish Pub, à Philadelphie, PA, USA.

CE BAR.

À première vue, il n’avait rien de spécial : c’était juste un bar sportif ordinaire dans un immeuble d’appartements du centre-ville de Philadelphie, à côté de l’Insurance Company Of North America, en face du Love Park. Toutes les familles s’asseyaient aux petites tables carrées et tous les professionnels surmenés s’asseyaient sur les banquettes près du bar, et personne ne savait comment manger des ailes de poulet avec des chemises à col blanc et des tailleurs cintrés, alors ils/elle mangeaient des pizzas au poulet BBQ à la place, parce que c’était the place to be, après tout, et qu’ils/elles étaient de petit·es malin·es.

Je m’y rendrais, non pas parce que je me souciais de voir un certain Cole marquer un home run (le baseball, c’est sympa, mais surtout en live, pour le stand de hot dog – oui à l’époque je n’étais pas végétarienne) mais parce que le bar était proche de là où je vivais, que ma coloc me l’avait recommandé plusieurs fois et que je pouvais y aller à pied. Marche + Miller Lite (ce que l’on buvait à l’époque) = bonnes décisions de vie.

Purée, je me ferais bien une Miller Lite en souvenir du bon vieux temps.

DONC. Je me rendais là-bas et je poussais la porte, comme si j’étais très en retard à une réunion très importante, et je regardais tout autour du bar comme si j’y retrouvais quelqu’un, tout en sachant que je n’y retrouvais personne, parce que c’est ce qu’on fait quand on est dans une nouvelle ville et qu’on n’a PAS D’AMI·ES.

Je me précipitais donc, très professionnelle, jusqu’au bout du bar. Il n’y avait que trois sièges de ce côté et j’avais l’impression d’avoir ma propre petite place ; et je me commandais une bière, ou peut-être une vodka soda avec un splash de crandberry juice, si je me sentais d’humeur extravagante. Ensuite, j’attendais.

Des groupes de jeunes professionnel·les entraient et s’installaient sur la partie longue du bar.

Les mecs, en chemises blanches, enlevaient leurs cravates.

Deux ou trois d’entre eux passaient devant moi pour aller jouer aux fléchettes, ou peut-être au billard.

Puis je me levais et passais devant eux pour aller aux toilettes, en espérant que l’un d’eux m’inviterait à jouer (…espoir…).

Ça n’est jamais arrivé.

Je m’asseyais donc à mon bar, faisant semblant d’être parfaitement heureuse d’être là toute seule, alors que, la vraie raison pour laquelle j’étais là ? C’était parce que mes amis me manquaient désespérément. Je leur avais dit au revoir au lycée, à la fac et dans tous les autres endroits sur le chemin qui m’avait menée là. Je disais tout le temps au revoir, mais je ne savais pas encore comment dire bonjour.

Je m’asseyais donc là et j’attendais. Paaaatiemment, et avec une note de bar plus élevée que ce qui était approprié pour mon maigre salaire. Je pensais que quelqu’un finirait par s’approcher ; de préférence quelqu’un avec des fossettes, parce que j’aime les fossettes, et qu’on discuterait, qu’on rirait, qu’on commanderait une autre tournée de bières, et peut-être qu’ils me diraient que leurs famille est loin, et peut-être que mes yeux s’écarquilleraient et que je leur dirais que la mienne aussi ; et ça n’aurait pas d’importance, parce que je serais tellement heureuse d’avoir établi une nouvelle connexion. Cela ne me dérangerait même pas s’il aimait les endives.

Mais ce type ne s’est jamais approché (j’aurais vraiment pu lui pardonner les endives).

Honnêtement, personne d’autre ne l’a fait non plus.

Pendant les huit mois où j’ai vécu sur Sansom Street, je n’ai jamais rencontré une seule autre personne dans ce p***n de bar.

Et je me rends compte aujourd’hui que c’est à ça que ressemble la création d’une entreprise.

Tu as envie de voler de tes propres ailes, de créer ta propre entreprise de photographie, de te lancer dans une carrière de rédactrice indépendante, de commencer à faire quoi que ce soit qui tu plaises. J’avais déjà commencé à ressentir ça, peu de temps après avoir commencé ma carrière professionnelle, mais je n’avais pas osé poursuivre, tu sais pourquoi ?

Si je ne savais même pas comment trouver des amis, comment allais-je trouver des clients ?

CETTE. QUESTION. A BRISÉ. MES. JEUNES. RÊVES.

L’idée se répétait dans ma tête : je pourrais essayer, mais… qui va me payer ?

Je ne savais pas qu’il y avait BEAUCOUP de gens qui m’auraient volontiers payé, tout comme il y avait plein de gens qui auraient volontiers parlé avec moi… si j’avais pris l’initiative de me renseigner.

Mais je craignais trop d’avoir l’air stupide, désespérée et bizarre pour essayer. Je me suis donc assise et j’ai attendu passivement. Et j’ai attendu. Et j’ai attendu. J’ai attendu que ma vie s’améliore grâce à d’autres personnes.

Tout comme tu attends peut-être en ce moment.

Tu attends que le gars aux fossettes vienne te voir et te dise que tu es NÉE pour être mannequin (HAHA, ON PEUT RÊVER). Tu attends que ton/ta conjoint·e t’encourage. Tu attends que tes ami·es s’intéressent à ton rêve. Tu attends que ta famille ne te trouve pas ridicule. Tu attends que la vie te fasse un signe.

Tu attends que d’autres personnes valident tes idées.

Mais s’il y a quelque chose à retenir de mon histoire de bar sportif en centre-ville, c’est que les autres ne vont pas faire grand-chose. Mais ils n’ont pas à le faire, parce que TU le feras.

Tu vas te lancer.
Tu vas trouver des client·es.
Tu vas gagner de l’argent.
Et tu vas prendre l’initiative de faire en sorte que les choses se passent, au lieu d’attendre qu’elles se passent.

Et tu ne regarderas jamais en arrière.

Parce que les gens qui font partie du cercle des vrais gagnants ?

Ils n’attendent rien, mes chéri·es.

Ils sont trop occupés à gagner.

Crédit photo : Vince Veras